Transgenre à Byzance
Transgenre à Byzance
Dans son traité Περὶ τοῦ πῶς οἱ μὲν τῶν ἀνθρώπων γίνονται φρόνιμοι, οἱ δὲ μωροί Comment certaines personnes deviennent sensées, tandis que d'autres perdent leur bon sens ? (Phil.minora II, 19), Michel Psellos (11e s. apr. J.-C.) se demande quelles sont les causes du bon sens et de la sottise. Il constate que chez certaines personnes, l'égarement de la raison (ἡ διάπτωσις τῆς φρονήσεως) provient d'une maladie, chez d'autres de leur nature (p. 92, ll. 17 ss.). Et il se propose de voir ce qui dans la nature de telle personne, la conduit à cet état.
Il est partisan de la théorie classique des humeurs : c'est le déséquilibre des humeurs dans le cerveau, leur excès ou leur défaut, qui sont la cause du caractère féminin de la raison. Il aborde également le cas d'un enfant ayant hérité d'une grosse tête, avec une raison molle et faible et une âme féminine (τὸ φρόνημα χαῦνον καὶ ἀσθενὲς καὶ θήλεια ἀτεχνῶς ἡ ψυχή). Car, dit-il, de même que l'air soufflé dans des tuyaux trop larges perd de sa force, tandis que dans des conduits étroits, il en acquiert, de même le support pneumatique (πνευματικὸν ὄχημα) de l'âme se renforce dans un crâne symétrique et normal, mais devient moins dense et sans consistance (ἀραιότερον καὶ χαυνότερον) dans un crâne trop grand.
La partie la plus intéressante de ce texte, pour nous aujourd'hui, est sans doute la description du comportement de ce garçon, qui boude les activités masculines pour ne s'intéresser qu'à des choses féminines. Et surtout qui imagine le statut de la femme et l'expérience de la maternité en jouant une scène d'accouchement avec une poupée féminine, après avoir rêvé la nuit de noces avec une poupée masculine.
καὶ οὐ τὴν μεγάλην ἐπαιτιῶμαι κεφαλήν (οἶδα γὰρ τὸν Περγαμηνὸν Ἀσκληπιάδην μάλα ταύτην ἐν τῇ τέχνῃ ἐγκωμιάσαντα), ἀλλ<ὰ> {οὐ} τὴν παρὰ φύσιν, ὁποία δὴ τῷ μειρακίῳ τούτῳ συμπέφυκεν, ἐφ' οὗ δὴ καὶ τὸ τῶν ὀμμάτων ἄγριον τὸ πεπλανημένον τοῦ πνεύματος δείκνυσιν, ἀτάκτως τοῖς πόροις ἐμπίπτοντος καὶ τὸ καθεστηκὸς ἀφαιροῦντος. ἐπεὶ οὖν ἅπαξ τοῦ ἀνδρώδους ἀπέστη καὶ θαρραλέου, διὰ τοῦτο αὐτῷ διερρυηκότα πάντα καὶ θήλεα. |
Et je n'invoquerai pas l'hydrocéphalie [sc. comme cause de cet état de choses] (je sais bien qu'Asclépiade de Pergame en a fait grand cas dans son traité), mais je parlerai de la tête déformée qui s'est développée en même temps que grandissait ce garçon, chez qui même le regard farouche montre l'égarement de l'esprit, qui s'engouffre en désordre dans les conduits et supprime le bel équilibre. Dès lors qu'il s'est éloigné une fois pour toutes du caractère viril et résolu, il a été imprégné de tous les éléments féminins. |
μεμίσηνται γὰρ αὐτῷ ἀνδρῶνές τε καὶ γυμνάσια, κυνηγέσιά τε καὶ ἡβητήρια, καὶ οὔτε συσφαιρίζειν ἐθέλει οὔτε δὴ συγκυβεύειν οὔτε ξηρῶν ἱδρώτων ἀντέχεσθαι. φίλα δὲ αὐτῷ ἱστός τε καὶ ἠλακάτη καὶ ἡ λοιπὴ ταλασιουργία, καὶ τὸ ὅλον περὶ τὴν γυναικωνίτην τὴν πραγματείαν ἔσχηκεν, ἄτρακτόν τε ἑλίττειν ἐθέλει καὶ ὑφαίνειν οὐχ ἥκιστα. δεῆσαν δὲ καὶ πρὸς παιδιὰν τρέπεσθαι, οὔτε ἀστραγάλοις ἐφήδεται οὔτε κοττάβοις προσπαίζει, ἀλλ' οὐδὲ τηλίαν ἀσπάζεται οὐδ' ἐπὶ στρόμβοις ἀγάλλεται οὐδὲ τοῖς ἐπιμήκεσι τῶν καρύων κατὰ τοῦ προκειμένου βάλλει σκοποῦ. ἐν εἰδώλοις δὲ καί τισιν ὁμοιώμασιν παστάδα τε πήγνυται καὶ σχηματίζει νυμφίον καὶ νύμφην τούτῳ συγκατακλίνει, καὶ τὸ τῆς νύμφης εἴδωλον φορυτῷ τινι ἐξογκῶν κατὰ τὴν γαστέρα κύειν αὐτὸ οἴεται, ὠδὶς ἐπὶ τούτοις καὶ λοχεία καὶ μαῖα καὶ μαίωτρα. |
Ce garçon en effet avait pris en haine les appartements des hommes et les gymnases, les chasses et les lieux fréquentés par la jeunesse ; il ne voulait pas jouer à la balle, ni jouer aux dés avec les autres, ni prendre part aux exercices qui font transpirer. Ce qu'il aimait, c'était le métier à tisser et la quenouille et le travail de la laine en général ; et il passait tout son temps du côté du gynécée, voulant faire tourner le fuseau et tout autant tisser. Et quand il devrait se tourner vers le jeu, il ne prend aucun plaisir aux astragales, ne joue pas au cottabe, sans non plus rechercher le jeu de dés ou prendre plaisir à s’amuser à la toupie ou à tirer des noix sur une cible. Avec des figurines et des modèles réduits, il construit une chambre nuptiale et fabrique un jeune marié (nymphios) auprès de qui il couche une jeune épouse (nymphè). Et après avoir rembourré le ventre de la poupée de la mariée, il imagine qu’elle est enceinte, et après cela, il feint les douleurs de l’accouchement, l’enfantement, il met en scène la sage-femme et son salaire. |
δεῆσαν δὲ καὶ τῷ τῆς φωνῆς μέλει χαρίσασθαι, οὐ συνασπισμοὺς παλαιῶν ἀνδρῶν τραγῳδεῖ οὐδὲ μάχας καὶ τρόπαια, ἀλλ' ὡς ἡ θυγάτηρ ἀνακρινομένη παρὰ τῆς μητρός, ἐφ' ᾧ παρὰ τὴν πηγὴν ἰοῦσα μέλει, ὑπὲρ αὐτῆς φησιν ὡς ἐρώτων μὲν ἐκείνη πέπλησται, ἀκκισμῶν δὲ ἡ λεκανὶς καὶ κολακείας τὸ ἄγγος τοῦ ὕδατος. τοιοῦτόν ἐστι τὸ κάλλιστον τοῦτο μειράκιον καὶ διὰ ταῦτα τοιοῦτον ἐγένετο. |
Et lorsqu'il doit accorder ses faveurs au chant, il ne célèbre pas les parades des hommes du temps jadis, ni les combats ni les victoires, mais comme la fille interrogée par sa mère, comment elle doit aller à la fontaine, elle dit pour sa défense qu'elle est pleine de passions, que le bassin est plein de simagrées et la cruche à eau de flatterie. Voilà l'état de ce très beau garçon et pourquoi il est devenu tel qu'il est. |
Date de dernière mise à jour : 03/12/2022