"LA MALADIE SACRÉE"

Introduction

            Dans ce traité, l'auteur cherche à exorciser la superstition qui s'attachait à une maladie qui frappait par son aspect spectaculaire et son origine obscure, l'épilepsie (1), et à démystifier les charlatans de tout poil qui profitaient de la crédulité des gens. L'opinion populaire en effet considérait que ces crises étaient dues à la possession par une divinité. Notre auteur n'y voit au contraire que des causes naturelles. Il insiste sur l'unité de la Nature et proteste contre le dualisme antiscientifique qui considère certains phénomènes comme naturels, d'autres comme divins. Tous les phénomènes, dit-il, sont à la fois naturels et divins. Il est d'avis que l'épilepsie peut être guérie par des moyens naturels, même si de son temps, cela n'était pas (encore) le cas.

            Notre auteur attribue l'épilepsie à l'arrêt de l'air dans les veines, suite à un afflux de flegme de la tête dans les veines. Cette importance accordée à l'air dénote l'influence de Diogène d'Apollonia. L'assurance avec laquelle il affirme les causes de la maladie contraste crûment avec la prudence avisée d'Épidémies I et III. L'assurance avec laquelle il affirme les causes de la maladie contraste crûment avec la prudence avisée d'Épidémies.

            Contrairement à l'opinion courante, qui plaçait le siège de la conscience dans le cœur ou le diaphragme, notre auteur le place dans le cerveau. Ces vues étaient déjà celles d'Alcméon. Elles seront acceptées par Platon, mais rejetée par Aristote.

            La tradition antique (Érotien) considérait cette œuvre comme rédigée par Hippocrate. Ermerins la considérait comme un patchwork d'un sophiste de seconde zone, bien plus tardif qu'Hippocrate. Wilamowitz considérait qu'elle a été écrite par le même auteur que PAUT. Wellmann pense qu'elle a été écrite pour combattre l'école de Sicile, et notamment Dioclès, qui croyait aux incantations.

            Une chose est certaine en tout cas: Maladie sacrée ne peut être séparée de PAUT. Les deux traités insistent sur l'humidité du cerveau comme cause de la maladie, sur les purges et les dessèchements des organes malades; les deux accordent la même importance à la fonction supposée des veines, au rôle des vents et des changements de saisons.

               PAUT                      Maladie sacrée          (v. Loeb, vol. II, pp. 130-1)

                        3                                 8-12

                        8                                 16

                        10                               13

                        14                               5

                        22                               21

                        22                               5

 

            Il y a cependant quelques différences. L'auteur de PAUT est libre de toute influence sophistique, celui de Maladie sacrée ne résiste pas toujours à certains artifices: κατὰ μὲν τὴν ἀπορίην αὐτοῖσι τοῦ μὴ γινώσκειν τὸ θεῖον διασῴζεται κατὰ δὲ τὴν εὐπορίην τοῦ τρόπου τῆı ἰήσιοı ἰῶνται ἀπόλλυται (ch. 1). PAUT semble ne suivre aucun postulat philosophique; Maladie est éclectique, insistant sur l'air, comme élément important pout la santé du cerveau, et non sur les quatre qualités traditionnelles (chaud, froid, sec et humide).

            Pour Wilamowitz, les deux œuvres sont du même auteur. Mais ce n'est certainement pas le même que Épidémies. Celui-ci n'aurait certainement jamais dit que la cure peut intervenir en créant à la saison convenable le chaud ou le froid, le sec ou l'humide.

            On ne peut certainement pas placer Maladie sacrée avant PAUT. Dans tout le manuscrit, il y a deux passages où μή remplace οὐ, ce qui est un signe de date basse. Mais dans le reste de l'œuvre, οὐ est de règle. On observe aussi quelques traces de la rhétorique sophistique. On a enfin l'impression que l'auteur est un contemporain plus jeune que Socrate. Tout cela nous pousse à admettre une date vers 400.

            L'auteur de Maladie sacrée était peut-être un élève de l'auteur de PAUT (Jones), à qui son maître aurait demandé de disserter sur son sujet favori, "Superstition et médecine".

            On est en tout cas en présence d'une pensée élevée. En plus du positivisme scientifique et de l'ardeur à démasquer les charlatans, on peut admirer dans ce traité la conception très élevée de la divinité.

Chapitre 1

Traduction

Lloyd, p. 69.

Commentaire

ll. 3-4: ἀλλὰ φύσιν μὲν ἔχει καὶ τὰ λοιπὰ νοσήματα ὅθεν γίνεται φύσιν τε αὐτὴν καὶ πρόφασιν οἱ δ᾽ ἄνθρωποι ἐνόμισαν... texte non satisfaisant sans le passage en gras, donné par certains manuscrits, même si on comprend l'idée; cf. PAUT 22: ἕκαστον δὲ αὐτῶν ἔχει φύσιν τὴν ἑωυτοῦ καὶ οὐδὲν ἄνευ φύσιος γίνεται.

Chapitre 2

Commentaire

Ce doivent être d'anciens interdits religieux; l'ancienne littérature pythagoricienne nous en a conservé d'autres dans ses ἀκούσματα.

Chapitre 4

Commentaire

Par rapport aux croyances populaires, cette conception est très élevée; certains penseurs, tels les Pythagoriciens, avaient précédé notre auteur dans cette voie.

Chapitre 5

Traduction

Lloyd, p. 70.

Commentaire

Affirmation très nette en faveur de l'hérédité. On retrouve presque exactement la même phrase dans PAUT 14.

Chapitre 12

Commentaire

On sent bien que l'auteur est familier des réactions enfantines (cf. 11 in fine). Cela tranche par rapport à la littérature de l'époque, littérature d'adultes, où l'attention prêtée aux enfants est quasi nulle.

Chapitre 14

traduction : QSJ p. 36.

Commentaire

Plutarque (Vie de Périclès 6) raconte qu'Anaxagore fit ouvrir la tête d'un bélier qui n'avait qu'une corne et confondit ainsi le devin Lampon, qui tirait un présage de ce fait monstrueux. Ce chapitre présente avec cette anecdote des analogies frappantes: c'est bien le même esprit des lumières. Pour les médecins grecs, l'homme est manifestement solidaire du règne animal (cf. Souffles 15; Régime des maladies aiguës 1).

Bibliographie

Ayache: Hippopcrate (QSJ ?), pp.

R. Joly: Hippocrate, Médecine grecque (Idées 65), pp. 88-108.

Loeb, vol. II. pp. 129-137.

G.E.R Lloyd: Les débuts de la science grecque, pp. 69-70.


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  Le terme habituellement employé est simplement "la maladie". Le mot ἐπίληψις n'apparaît qu'une fois (ch. 13), où il signifie en fait "attaque (d'apoplexie)".