Tradition Lyrique Pré-Archaïque

Le témoignage de l'épopée homérique

Il. 1, 472-4                    Les traits d'Apollon déciment l'armée grecque, et les Achéens cherchent à l'apaiser (ἱλάκεσθαι):        

οἱ δὲ πανημέριοι μολπῇ θεὸν ἱλάσκοντο
καλὸν ἀείδοντες παιήονα κοῦροι ᾽Αχαιῶν,   
μέλποντες ῾Εκάεργον· ὁ δὲ φρένα τέρπετ᾽ ἀκούων
.

Il. 1, 601-4                    Festin des dieux:
Leur cœur n'a pas à se plaindre du repas où tous ont leur part, ni ...


οὐ μὲν φόρμιγγος περικαλλέος, ἣν ἔχ᾽ ᾽Απόλλων,
Μουσάων θ᾽, αἳ ἄειδον ἀμειβόμεναι ὀπὶ καλῇ.

Il. 7, 241                        Hector affirme son savoir de guerrier:

οἶδα δ᾽ ἐνὶ σταδίῃ δηΐῳ μέλπεσθαι ῎Αρηΐ.

Il. 16, 180-3                  Le "puissant Tueur d'Argos" a aimé autrefois Polymèle, la mère d'Eudore, un des cinq chefs Myrmidons:

      τὸν ἔτικτε χορῷ καλὴ Πολυμήλη           
Φύλαντος θυγάτηρ· τῆς δὲ κρατὺς ᾽Αργεϊφόντης    
ἠράσατ᾽, ὀφθαλμοῖσιν ἰδὼν μετὰ μελπομένῃσιν     
ἐν χορῷ ᾽Αρτέμιδος
...

Il. 18, 493-5                 Sur le bouclier d'Achille sont représentées des cités; dans l'une d'elles, on célèbre un mariage:        

                     πολὺς δ᾽ ὑμέναιος ὀρώρει·
κοῦροι δ᾽ ὀρχηστῆρες ἐδίνεον, ἐν δ᾽ ἄρα τοῖσιν
αὐλοὶ φόρμιγγές τε βοὴν ἔχον.

              567-72            Plus loin, on fête les vendanges:        
"des filles, des garçons, pleins de tendresse et de candeur,    
portaient en des paniers tressés le fruit doux comme miel".    

τοῖσιν δ᾽ ἐν μέσσοισι πάις φόρμιγγι λιγείῃ
ἱμερόεν κιθάριζε, λίνον δ᾽ ὑπὸ καλὸν ἄειδε
λεπταλέῃ φωνῇ· τοὶ δὲ ῥήσσοντες ἁμαρτῇ
μολπῇ τ᾽ ἰυγμῷ τε ποσὶ σκαίροντες ἕποντο.

              590-606          Plus loin encore,       
"au sein d'un beau vallon, avec des brebis toutes blanches,
des huttes bien couvertes, des étables et des parcs".
Et une place de danse:

ἔνθα μὲν ἠΐθεοι καὶ παρθένοι ἀλφεσίβοιαι
ὠρχεῦντ᾽, ἀλλήλων ἐπὶ καρπῷ χεῖρας ἔχοντες.
...
οἱ δ᾽ ὁτὲ μὲν θρέξασκον ἐπισταμένοισι πόδεσσι
...
ἄλλοτε δ᾽ αὖ θρέξασκον ἐπὶ στίχας ἀλλήλοισι.
πολλὸς δ᾽ ἱμερόεντα χορὸν περιίσταθ᾽ ὅμιλος
τερπόμενοι· δοιὼ δὲ κυβιστητῆρε κατ᾽ αὐτοὺς
μολπῆς ἐξάρχοντες ἐδίνευον κατὰ μέσσους.

Il. 22, 391-4                  Vainqueur d'Hector, Achille s'adresse aux siens:

νῦν δ᾽ ἄγ᾽ ἀείδοντες παιήονα κοῦροι ᾽Αχαιῶν
νηυσὶν ἐπὶ γλαφυρῇσι νεώμεθα, τόνδε ἄγωμεν.


Nous avons conquis une grande gloire: nous avons abattu le divin Hector, 

                                      à qui les Troyens dans leur ville adressaient des prières tout comme à un dieu.

Il. 24, 719-24                Priam ramène le corps d'Hector à Troie:       

Lorsqu'ils l'eurent introduit dans l'illustre demeure, ils déposèrent le corps sur un lit ajouré,   
                     παρὰ δ᾽ εἷσαν ἀοιδοὺς       
θρήνου ἐξάρχους, οἵ τε στονόεσσαν ἀοιδὴν  
οἱ μὲν ἄρ᾽ ἐθρήνεον, ἐπὶ δὲ στενάχοντο γυναῖκες.  

Andromaque aux bras blancs commença pour elles alors à se complaindre (γόοιο), les mains sur la tête de l'homicide Hector.

Od. 5, 61-2                   Là, au sein de sa demeure, Calypso ἀοιδιάουσ᾽ ὀπὶ καλῇ tissait une toile en manoeuvrant une navette d'or.



Vocabulaire lyrique attesté chez Homère

Genres littéraires

Chants

Instruments

Danses

ὁ παιήων

ἀείδω, ἀοιδιάω

ἡ φόρμιγξ

ὁ χορός

ὁ λίνος

μέλπω, μέλπομαι

ὁ αὐλός

ὁ ὀρχηστήρ

ὁ θρηνος

θρηνειν


ὁ κυβιστητήρ

ὁ ὑμέναιος

ἀμείβομαι


ὀρχεῖσθαι

[chant de banquet]

ἡ ἀοιδή


δινέω

[chant de travail]

ἡ μολπλή


ῥήσσω

[chœurs pour Arès, Artémis]

ὁ ἱυγμός


σκαίρω




ἕπομαι


κιθαρίζω

ἡ κιθάρα

θρεξάσκω


ὁ ἀοιδός


ἐπὶ καρπῷ χεῖρας ἔχοντες




ἐνὶ σταδίη
ἐπιστάμενος




ἐπὶ στίχας


Les genres lyriques vu par un philosophe

Tableau tiré de Platon (Lois 700 a-b), complété à l'aide de la classification des premiers savants d'Alexandrie, dans la mesure où elle paraît refléter l'usage de l'époque archaïque et de l'époque classique. 

genres (εἴδη)

désignés nommément par Platon

ἄλλα τινά

(non désignés nommément)

εἰς θεούς

εἰς ἀνθρώπους

hymnes


*


thrènes



*

péans


*


dithyrambes


*


nomes citharédiques


*



prosodies

*



parthénées

*

*


hyporchèmes

*



épinicies


*


scolies


*

V. A. E. Harvey, "The classification of Greek Lyric Poetry", CQ n.s. 5, 1955, 164-175. - J. Irigoin, Histoire du texte de Pindare, Paris 1952, 35-50.

Ces notes ne retiennent que les caractéristiques que l'on peut conjecturer pour l'époque archaïque et l'époque classique, indépendamment de la classification des Alexandrins (Aristophane de Byzance sur la base des travaux de Zénodote et de Callimaque).

Hymne: type de chant religieux avec accompagnement de lyre et probablement sans évolution du chœur; ce trait est peut-être lié à une structure monostrophique (non triadique). On distingue deux types:

            1) l' μνος κλητικός, qui réclame l'épiphanie de la divinité (voir E. Norden, Agnostos theos, Berlin 1913, 143-76),

            2) l' ὕμνος ἀποπεμπτικός, qu fait appel à la faveur de la divinité.

Thrène: paraît destiné à l'expression d'une émotion pondérée; le contenu est caractérisé par des réflexions générales.

Péan: à partir du cri rituel ἰὴ παιάν, invocation avant ou après une bataille, ou à l'occasion des libations qui suivent un banquet. Seul est poétiquement élaboré le péan composé pour une cérémonie religieuse. Structure libre.

Dithyrambe: peut-être destiné à un banquet, mais alors il n'y a pas de forme littéraire. Comme forme littéraire, il faut distinguer:

            - le dithyrambe de cérémonie

            - le dithyrambe de concours.

On peut résumer les caractéristiques du dithyrambe en cinq points:

            1- rythme spécifique,

            2- accompagnement de flûte,

            3- vocabulaire élaboré,

            4- contenu narratif important,

            5- structure antistrophique.

Mais quelle forme de dithyrambe répond à ces caractéristiques ? -- Autre problème: à quelle forme littéraire appartient les dithyrambes de Bacchylide, totalement différents de ceux de Pindare ?

Nome citharédique: type de composition chorale astrophique et dans un mètre dactylique (v. U. von Wilamowitz-Moellendorff, Timotheos: die Perser, 1903, 89 ss.)

Parthénée: ces poèmes, qui paraissent s'adresser dans certains cas en même temps εἰς θεούς καὶ εἰς ἀνθρώπους, étaient considérés pour cette raison par les Alexandrins comme un γένος μικτόν.

Épinicie: désignée aussi par le terme ἐγκώμιον au sens poétique (εἶδος< lyrique), non rhétorique (éloge en prose).

Scolie: jusqu'au 5e s., à Athènes, ce mot s'applique à trois sortes de chants:

            1) péans accompagnant les libations,

            2) courtes strophes exécutées par les convives à tour de rôle,

            3) poèmes lyriques complexes exécutés par les convives exercés (οἱ συνετώτατοι).

Au 4e s., faute d'éducation musicale, on se borne aux courtes strophes (chiffre 2). C'est le sens visé par les Alexandrins. Ceux-ci, en revanche, classent sous ἐγκώμια les pièces désignées sous 1) et 3).

εἰς θεούς - εἰς ἀνθρώπους : dans certains cas, les Alexandrins ont été contraints de considérer qu'un poème pouvait être adressé à la fois à une divinité et à un être humain. Voir Parthénée.

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